Avec les impératifs imposés par la loi d’orientation des mobilités (LOM) et l’instauration des ZFE-m (zones à faibles émissions-mobilité), les entreprises n’ont plus le choix : elles doivent verdir et donc électrifier leur car policy. De fait, la LOM leur demande de renouveler 10 % de leurs véhicules avec des véhicules à faibles émissions (VFE, moins de 60 g de CO2) en 2023 comme en 2022, un chiffre qui passera à 20 % au 1er janvier 2024. De leur côté, les ZFE-m se mettent peu à peu en place, interdisant à terme les véhicules diesel et plus largement thermiques.

Cette situation confère aux entreprises un rôle central dans l’électrification. « Parmi les énergies employées pour décarboner les transports, l’électrique est la seule à cocher toutes les cases. Les flottes ont des obligations en la matière et en 2035, les véhicules thermiques et hybrides neufs ne seront plus commercialisés. Les perspectives de l’électrique sont donc positives. Et les personnes morales représentent 60 % du parc français de véhicules électriques. Mais le rôle des entreprises dans le développement de cette technologie reste méconnu », souligne Clément Molizon, délégué général de l’Avere-France, l’Association nationale pour le développement de la mobilité électrique, et auteur du guide « Comment électrifier sa flotte de véhicules ».

Les entreprises à la manœuvre

Clément Molizon reprend : « Actuellement, l’électromobilité concerne surtout les VP mais les VUL constituent un axe de développement majeur. En attendant, ce phénomène touche surtout des modèles premium et des voitures de fonction. On retrouve ces caractéristiques pour les hybrides rechargeables avec des véhicules d’un standing élevé », expose Clément Molizon.

« Les collaborateurs s’essaient à la mobilité électrique à leur travail avant de basculer pour leurs véhicules personnels, reprend Clément Molizon. Parallèlement, les entreprises se séparent plus rapidement de leurs véhicules électriques qui arrivent ensuite sur le marché de l’occasion où s’approvisionnent les Français dans leur grande majorité. Pour que l’électrique fasse son entrée dans les ménages, les entreprises ont un rôle important à jouer. C’est pourquoi il faut maintenir le soutien aux entreprises car elles alimentent le marché VO », argumente ce représentant de l’Avere-France.

Sur ce sujet de l’électrification, les entreprises ont en effet pris de l’avance. C’est le cas d’Enedis, à la tête de 18 000 VP et VUL dont 4 800 véhicules électriques : chez ce distributeur d’électricité, 65 % des renouvellements se font avec des modèles électriques. Pour passer sa flotte aux électrons, Enedis définit des profils d’utilisation et y fait correspondre les véhicules adaptés. Les modèles électriques se destinent ainsi à des types de trajets compatibles et à des conducteurs dont l’acceptation a été vérifiée.

Chez Enedis, trois grands critères ont été retenus pour sélectionner les profils de conducteurs éligibles : la fréquence d’utilisation, les kilométrages réalisés et le poids du matériel embarqué. À ces indicateurs s’ajoutent des éléments plus spécifiques comme les températures et les reliefs rencontrés (plaine ou montagne), etc.

Pour sa part, le spécialiste des services numériques pour les entreprises Koesio (1 600 véhicules) a défini six profils de conducteurs éligibles à l’électrique, avec la capacité à recharger comme juge de paix. « Un technicien qui peut recharger à domicile et en agence accède à l’électrique, précise François Frelet, directeur patrimoine et logistique. Mais, un technicien sans possibilité de recharge à domicile et qui passe la majeure partie de son temps en clientèle sera exclu de la grille d’attribution ».

Un véhicule, un profil

« L’électrification doit commencer par les conducteurs les plus sensibles aux vertus de l’électromobilité, ceux qui sont intéressés ou ceux qui ont déjà une solution de recharge chez eux. Il faut débuter avec ces “early adopters“, avant de s’intéresser aux autres collaborateurs », complète Clément Molizon pour l’Avere-France. Une démarche suivie par Enedis : en plus des cours réservés aux conducteurs de véhicules électriques, cette entreprise forme des agents pour porter le projet en interne. Ces référents transmettent les messages du groupe et communiquent leurs motivations à l’ensemble des personnels.

Au sein de Bausch & Lomb, chaque conducteur est pris en charge par Arval. Si ses kilométrages annuels dépassent les 50 000 km, ce loueur explique au conducteur les limites de l’électrique et rappelle les contraintes d’autonomie et de recharge. « En général, les collaborateurs ont déjà fait des recherches et ont acquis des connaissances, constate Laurent Pradier, directeur RSE, services généraux et achats. Il s’agit de commerciaux pour la majorité. Leurs automobiles sont une deuxième maison pour laquelle ils nourrissent un attachement particulier. Et aucun n’a remis en cause nos choix. » À tel point que les modèles électriques et hybrides ont représenté la moitié des renouvellements de ce laboratoire pharmaceutique en 2022.

« Ce résultat a été obtenu sans contrainte sur les conducteurs, se félicite Laurent Pradier. Avec la transition énergétique, j’ai observé une attente de leur part. » Seul frein, des collaborateurs redoutaient des problèmes lors de la recharge sur des bornes publiques. « Notre travail a consisté à les rassurer et à les informer sur le réseau français de bornes et sur son déploiement », souligne Laurent Pradier. En France, l’entreprise Bausch & Lomb a lancé la transition énergétique de 187 véhicules avec, pour chaque catégorie de sa car policy, 25 à 43 % de modèles électrifiés.

Electrifier, c’est prévoir

Chez Koesio, les spécificités de l’électrique ont été présentées aux cours de réunions spécifiques en interne. Pour ce spécialiste des services numériques, l’implication des conducteurs reste primordiale pour mener à bien la transition. « Pour réussir le projet, les collaborateurs doivent avoir la fibre “écolo“, pointe François Frelet. L’électrique crée des contraintes qui vont bien au-delà d’un simple passage à la pompe. À titre d’exemple, la veille de prendre son véhicule, il faut anticiper la charge. »

Un constat partagé par Enedis qui forme ses conducteurs aux particularités de la recharge. « Avec l’électrique, Il faut expliquer que les comportements doivent être différents, avec un caractère prévisionnel. Avec un véhicule thermique, vous avez une pompe tous les 100 m. En électrique, le fonctionnement n’est pas le même », observe Pierre-Olivier Courtois, pilote stratégique du projet mobilité électrique interne.

Chez Bausch & Lomb, les constructeurs assurent une prise en main complète lors de la livraison des véhicules électrifiés. Parallèlement, l’entreprise partage les meilleures pratiques avec l’ensemble des conducteurs. Si la sécurité reste le principal axe de communication, les spécificités de l’électrique sont également évoquées. Avec un point à noter : « Au chapitre économique, l’électrique revêt un intérêt pour le conducteur : l’avantage en nature reste limité à 130 ou 140 euros, quand il atteint 200 à 290 euros pour l’essence », rappelle Laurent Pradier.

Impliquer avant tout

Pour Clément Molizon de l’Avere-France, l’un des freins à l’électrification provient des salariés et de leur volonté ou non d’accompagner le changement. « Les salariés sont des citoyens comme les autres. Certains sont très convaincus, d’autres très réticents et un ventre mou oscille entre ces deux extrêmes. La solution passe par l’intégration des utilisateurs à ce changement. Le CSE doit être impliqué et il faut prévenir les salariés. Les raisons du changement, soit la lutte contre le changement climatique, doivent être exposées, recommande Clément Molizon. Enfin, l’essai du véhicule produit un réel effet sur le changement des mentalités. » À vos marques !



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Éric Gibory pour Floauto.com