Le contraste est saisissant. Autant la fin 2021 a été faste pour le marché des pneumatiques et ses acteurs, autant on peut qualifier de calamiteuse la fin 2022. L’ensemble de l’année se solde d’ailleurs par une diminution des ventes de 8 %, selon Aline Lojié, directrice marketing VL d’Euromaster.

Les prestataires décrivent cependant une année en deux temps, avec une première période plutôt correcte : « Le premier quadrimestre a été bon », affirme Jean-Philippe Duhoux, directeur commercial de Wyzgroup ; et une seconde période beaucoup plus difficile : « À partir de mai, le marché des pneumatiques n’a fait que se replier, et de façon très forte en octobre et en novembre », ajoute ce responsable.

Aline Lojié le confirme : « La baisse a atteint 11 % en octobre, 12 % en novembre et 3 % en décembre. » Une diminution moins forte en fin d’année grâce à une météo enneigée dans certaines régions de France.

Un marché des pneumatiques en repli

Ce recul a en outre été plus important sur le marché des pneumatiques à destination des particuliers, et moindre sur celui des professionnels. Ce qui pourrait en partie expliquer pourquoi les prestataires très implantés auprès des grands comptes se disent peu ou moins touchés que l’ensemble des acteurs par ces tendances fortement baissières.

Mais il faut nuancer cet impact : on parle bien de baisse en volume, car en valeur, c’est une tout autre affaire. Le contexte fortement inflationniste a eu au moins un avantage pour les acteurs du pneumatique : les chiffres d’affaires ont progressé, ou tout au moins ont été loin de baisser dans des proportions identiques à celles des ventes en volume. En témoigne la forte croissance du chiffre d’affaires de Michelin, soit + 20 % à 28,6 milliards d’euros l’an passé. La situation d’un manufacturier de cette taille ne se compare pas forcément avec celle des réseaux indépendants, mais elle donne le « la » sur un marché tout en contrastes.

La hausse des coûts

La principale raison de ce recul du marché des pneumatiques est bien sûr à chercher du côté la forte hausse des tarifs depuis deux ans – hausse très élevée en 2022. « D’octobre 2021 à janvier 2023, les pneus premium ont pris 25 euros en augmentation nette, du jamais vu », révèle Jean-Philippe Duhoux pour Wyzgroup. Mais pas seulement. Les comportements changent et l’on sait que depuis la crise sanitaire en 2020, l’essor du télétravail a modifié les lois de roulage : les véhicules roulent moins et, en conséquence, les pneus s’usent moins et durent plus longtemps. Et dans une moindre mesure, l’augmentation des tarifs des pneumatiques sur le marché peut aussi inciter à moins rouler.

Autre point mis en avant par les enseignes : la reconduction de l’absence de sanction en 2022, lors de la saison hivernale couverte par la loi Montagne, le 1er novembre dernier. C’était en effet la deuxième fois que cette fameuse loi s’appliquait. Et dans des circonstances semblables à celles de 2021, les autorités ont annoncé, seulement quelques jours avant l’entrée en vigueur des dispositifs de la loi Montagne, qu’il n’y aurait aucune sanction en cas de manquement vis-à-vis de la réglementation en matière d’équipements pneumatiques dans les 48 départements concernés.

La loi Montagne…

Ce regret, exprimé par quasiment tous les prestataires que nous avons interrogés, a quelque chose de profondément paradoxal. On ne peut pas, d’une part, souligner la pression à laquelle sont soumises les flottes, pression qui vient de tous les côtés, réglementaires, économiques, écologiques, etc. ; et, d’autre part, souhaiter leur ajouter des contraintes supplémentaires. D’autant que finalement, cela a été assez dit, les grandes flottes n’ont pas eu besoin des sanctions de la loi Montagne pour s’équiper : elles l’ont fait d’elles-mêmes pour des raisons liées à la sécurité des salariés.

Quant au reste du marché des pneumatiques, petites flottes, professionnels, artisans, TPE mais aussi grand public, peut-être faut-il rappeler la situation difficile à laquelle nombre de ces structures sont confrontées. Notons le discours un peu plus nuancé de Laurent Proust, président de BestDrive, qui regrette certes l’absence de sanction, mais surtout le manque de communication autour de la loi Montagne.

… toujours en question

« Cette loi n’est pas claire, les clients n’ont pas toujours conscience de l’importance du sujet. Mais les professionnels restent un peu plus avertis, surtout sur les aspects liés aux assurances. Alors, oui, on peut comprendre qu’il n’y ait pas encore d’amendes, mais au moins une communication forte aurait aidé », complète Laurent Proust.

Les prestataires ont parfaitement connaissance des contraintes auxquelles doivent faire face les gestionnaires de flotte. « Ils subissent des injonctions qui viennent de partout, du gouvernement, des constructeurs et manufacturiers, des fournisseurs d’énergie. Ce n’est pas un métier facile en ce moment », témoigne Aline Lojié pour Euromaster. Et, pour toutes ces raisons, « ils travaillent plus que jamais sur la maîtrise globale du TCO. »

Face à la flambée des tarifs, les flottes commencent de fait à changer certaines de leurs habitudes de consommation de pneus. Avec la tentation d’aller vers des produits de « seconde ligne », qui demeurent des produits de très bonne qualité et fabriqués par les grands manufacturiers. Mais à la différence des pneus dits premium, ces produits n’intègrent pas les toutes dernières technologies, comme le rappelle Benjamin Filippi, directeur d’Eurofleet.

Cette tendance à aller vers les produits de seconde ligne reste toutefois ambigüe, marquée pour l’ensemble du marché des pneumatiques, mais à peine sensible pour les grandes flottes, toujours fidèles aux pneus et marques premium. « Ces grands comptes préfèrent les pneus premium, à l’exception de quelques-uns, valide Cécile Vasquez, directrice des opérations du réseau Viasso. Les gros rouleurs fonctionnent pareillement. » Pourtant, l’ensemble des clients semble aller vers les pneus de seconde ligne.

Vers la seconde ligne…

« C’est un phénomène important en Europe, moins en France cependant », ajoute Cécile Vasquez. D’où le pas de deux entamé par les enseignes, à l’image de Point S, un réseau qui tient à son image premium, notamment auprès des grandes flottes, tout en étant présent sur les produits de seconde ligne. Pas question pour une telle enseigne de se limiter à une gamme trop restreinte.

Une autre solution serait de poursuivre la tendance déjà très marquée ces dernières d’années sur le marché de s’orienter vers les pneumatiques quatre saisons. Ces quatre saisons restent peut-être encore un peu plus chers que les pneus été et hiver, mais leurs coûts d’exploitation sont réduits grâce à l’absence de services de gardiennage, de monte et de démonte. 2022 a d’ailleurs encore vu le segment des pneus quatre saisons marquer des points, pour atteindre une part de 28 %, selon Aline Lojié d’Euromaster, contre 52 % pour les pneus été (en repli constant), et 20 % pour les pneus hiver (stable ou en léger repli).

… et les quatre saisons

D’où le positionnement de certaines enseignes sur ce segment, comme Best-Drive qui a lancé en marque propre son « all season », un succès selon son président Laurent Proust. La motivation économique peut de fait conduire des flottes à opter pour ce compromis du pneu quatre saisons, compromis qui ne satisfait pas tout le monde, loin s’en faut. Mais la contrainte financière est telle que parfois les gestionnaires de flotte n’ont pas le choix, comme le montre le témoignage d’Epnak.

Les autres façons d’optimiser le budget pneus n’ont rien de révolutionnaire et sont déjà bien connues. Mais l’urgence qu’impose la situation inflationniste de l’économie française conduit les responsables de parc à redécouvrir des processus vertueux. Ainsi, cela fait des années que les réseaux d’entretien et de réparation militent pour l’externalisation globale des prestations d’entretien, pneus et vitrage, avec l’argument d’une tarification avantageuse pour les flottes. D’autant que ces flottes montraient encore une réelle fidélité aux réseaux constructeurs pour l’entretien courant de leurs véhicules – réseaux pourtant réputés plus chers. Mais il semblerait que 2022 ait constitué une année de bascule : nombre de flottes ont (re)découvert les avantages tarifaires à confier l’ensemble de ces prestations à des réseaux indépendants.

Il faut dire que les loueurs longue durée ont aussi donné une impulsion décisive à ce mouvement. « Des loueurs se sont tournés vers nous », confirme Benjamin Filippi, pour Eurofleet. Les loueurs sont en effet restés longtemps fidèles aux réseaux constructeurs, même après que les réseaux indépendants ont obtenu la possibilité d’entretenir les véhicules sous garantie constructeur.

Avec, en conséquence, de vraies contraintes pour les salariés au sein des entreprises. « Pour ces conducteurs, ce n’était pas facile d’aller chez un concessionnaire pour l’entretien courant du véhicule, et de s’adresser à une enseigne indépendante pour les pneus, souvent dans le cadre d’une externalisation, explique Benjamin Filippi. Il y a de leur part un véritable besoin de “one stop shopping” pour l’entretien automobile », c’est-à-dire de tout trouver en un seul endroit.

Une externalisation croissante

Un constat partagé par de nombreuses enseignes indépendantes qui déclarent travailler de plus en plus avec les loueurs longue durée, et aussi directement auprès des flottes. Et ces enseignes peaufinent alors leurs offres globales d’entretien, associant le plus souvent pneus, entretien courant et vitrage, ce dernier soit en direct, comme chez Point S, soit par le biais de partenariats, comme Euromaster avec France Pare-Brise. Ces offres peuvent parfois prendre des directions inattendues. Euromaster, à la demande de clients, a par exemple enrichi son catalogue de services d’entretien des porte-échelle dans les VUL et autres véhicules industriels. « Nos clients n’arrivent pas à trouver de prestataires susceptibles de le faire », justifie Aline Lojié.

L’autre avantage de centraliser l’essentiel, voire la totalité des prestations d’entretien, sous une bannière unique, tient aussi aux économies administratives générées par cette démarche. D’autant que le poste pneumatiques reste terriblement chronophage pour les responsables de parc, alors qu’il ne pèse que 4 % du TCO global d’une gestion de flotte, souligne Jean-Philippe Duhoux, pour Wyzgroup.

Les pneus dans la car policy

Autre levier envisageable pour maîtriser le TCO du poste pneus d’une flotte : intégrer le plus en amont possible la problématique des pneus dans la car policy. Cette solution reste encore assez théorique. Car contrairement à bien d’autres aspects du véhicule, les gestionnaires de flotte n’ont pas nécessairement la maîtrise du choix des pneus lors de la commande de ce véhicule. « C’est toujours la surprise pour ces responsables quand ils reçoivent leurs véhicules. Les pneus ne font pas partie du configurateur de véhicules qui leur est proposé », rappelle Stéphane Touquet, responsable grands comptes chez Point S.

Le choix des pneus arrive effectivement après, pendant la durée de vie du véhicule et seulement suite au premier changement de pneus. « Et sur ce sujet de l’intégration des pneus dans la car policy, la maturité des entreprises est loin d’être uniforme. Certaines se posent la question », note Jean-Philippe Duhoux pour Wyzgroup.

Éviter les mauvaises surprises

Pourtant, cela aurait du sens, selon Benjamin Filippi, pour Eurofleet : « Il faut tenir compte des dimensions des pneus, toujours diverses et toujours plus exotiques parfois, avec des coûts très élevés pour des pneus fabriqués par un nombre restreint de manufacturiers. C’est ainsi que des gestionnaires de flotte ont eu de mauvaises surprises avec le nouveau Scénic et ses pneus de 11 ’’. Ils se sont alors retrouvés avec des factures supérieures à ce qui était attendu », relate ce responsable.

Trop de pneus sous-utilisés…

Il reste aussi les solutions classiques d’optimisation du budget pneus d’une entreprise. À commencer par le bon usage du gardiennage pour toutes les flottes qui souhaitent conserver tout ou partie de leurs pneus selon le mode de l’alternance été-hiver. La question des pneus gardiennés mal utilisés est ancienne : ces stocks « dormants » ou « fantômes », entretenus par le renouvellement permanent des flottes, représentent une vraie perte financière. D’où les moyens, souvent informatiques, mis en œuvre pour réaffecter des pneus qui ne sont plus employés pour des raisons diverses. « Une bonne gestion de l’alternance entre pneus été et hiver prend désormais tout son sens », confirme Jean-Philippe Duhoux.

Autre élément d’optimisation connu des gestionnaires de flotte, celui de la bonne transmission des informations liées à la gestion des pneus entre ces responsables et leurs prestataires. Avec l’objectif que seules les prestations strictement nécessaires soient assurées. « S’il n’y a pas nécessité de faire de la géométrie sur un pneu, on ne le fait pas », précise encore Jean-Philippe Duhoux.

… et trop de pneus sous-gonflés

Et bien sûr, plus que jamais, il faut vérifier la pression des pneus et leur degré d’usure. Un enjeu que les gestionnaires connaissent bien. Car outre les économies générées par des durées de vie plus longues des pneus, une bonne maîtrise de leur pression évite la surconsommation de carburant. Problème connu, mais pas pour autant si facile à résoudre. « C’est du basique, mais pas encore respecté aujourd’hui, résume Benjamin Filippi, pour Eurofleet. On le voit bien lors de nos visites de parcs : quand nous réalisons des tests, deux tiers environ des véhicules sont sous-gonflés. Ce qui est surprenant, c’est que lorsque nous contrôlons la pression des pneus à titre gracieux sur les véhicules privés des collaborateurs, nous constatons que les deux tiers d’entre eux sont bien gonflés. »

On sait en effet que les conducteurs prennent en général plus soin de leur véhicule personnel que de celui mis à disposition par l’entreprise. D’où la nécessité de mobiliser leur attention sur ce sujet. Et ce n’est pas faute d’essayer : les gestionnaires de flotte et les enseignes elles-mêmes communiquent autant que faire se peut, mais l’information se perd souvent.

« Mais nous sommes tous sollicités toute la journée par des e-mails professionnels et personnels : les messages sont souvent noyés », pointe Benjamin Filippi. D’où l’intérêt des visites préventives et des journées d’action pour faire passer le message en présentiel. Les prestataires constatent du reste le succès croissant de ces initiatives. Mais de fait, il n’est pas possible de les organiser pour tout le monde. Il faudra sans doute réfléchir à une communication mieux pensée, mieux ciblée, pour sensibiliser les conducteurs à ce sempiternel thème du gonflage des pneus.

Maintenir la pression

Rappelons aussi d’autres façons de maintenir une bonne pression des pneus, comme avec le recours au gonflage à l’azote, pratiqué par Euromaster. Un gaz que l’on peut utiliser tous les deux à trois mois, moins donc que l’air comprimé traditionnel, et qui offre une meilleure stabilité des pneus, et donc une moindre usure, selon l’enseigne.



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Hakim Remili pour Floauto.com