Poids lourd autonome
Les véhicules à conduite autonome fonctionnent parfaitement dans des environnements prévisibles et intégralement contrôlés, comme l’enceinte d’une plate-forme logistique. (© VDL)

Comme la mobilité hydrogène, la conduite autonome a les allures d’un horizon, qu’il s’agisse de véhicules légers ou de poids lourds : elle semble s’éloigner quand on avance vers elle car de nouveaux problèmes surgissent sans cesse. Pour les entreprises engagées dans la conduite autonome, ces difficultés retardent l’éclosion d’un marché significatif et avec lui, le début d’un retour sur investissement (ROI). L’entreprise française Navya a fait les frais de cette situation. Placée en redressement judiciaire depuis février 2023, elle a été cédée pour 1,4 million d’euros au duo franco-japonais constitué par Gaussin et Macnica qui prévoit de redéployer son savoir-faire au profit du secteur de la logistique.

Et alors que les annonces de véhicules à conduite totalement autonome (niveau 5 SAE, c’est-à-dire sans conducteur, ni assistance humaine) se multipliaient au cours de la seconde moitié de la décennie 2010, les ambitions à court terme ont été revues à la baisse et se limitent souvent au niveau 3 SAE pour les circulations sur la voie publique. Autrement dit, le véhicule peut effectuer des manœuvres seul (changement de file, etc.), mais un conducteur humain doit être présent et susceptible de reprendre la conduite à tout moment. L’entreprise chinoise Inceptio a annoncé que de poids lourds équipés de son système de conduite autonome ont parcouru 40 millions de kilomètres sans accident. Mais cette conduite se limite encore au niveau 3. Or nous sommes en 2023 et les annonces de la précédente décennie nous laissaient espérer bien davantage pour aujourd’hui.

Les sociétés technologiques rejoignent des groupes industriels

Afin de gagner en agilité, le groupe Daimler Truck a créé la filiale Torc Robotics pour développer la conduite autonome. Cette démarche associe la capacité d’investissement d’un grand groupe au dynamisme d’une jeune pousse. Par ailleurs, Torc Robotics a fait l’acquisition en février 2023 de l’entreprise canadienne Algolux qui lui apporte des technologies de vision par ordinateur et d’apprentissage par la machine. L’intention de Daimler Truck est d’évoluer d’ici 2030 avec sécurité et fiabilité vers la conduite autonome de niveau 4 SAE (présence humaine à bord, mais le véhicule conduit seul).

Selon Peter Vaughan Schmidt, CEO de Torc Robotics, la technologie d’Algolux est à l’intersection du deep learning, de la vision par ordinateur et de l’imagerie computationnelle. Il s’agit là de capacités-clés, nécessaires à la commercialisation de la conduite autonome de niveau 4. Avant cette acquisition, Torc Robotics travaillait déjà avec Algolux sur plusieurs concepts et méthodes de perception afin d’améliorer la détection d’objets et l’évaluation des distances. L’un des développements en cours concerne l’identification correcte des objets en conditions dégradées (brume, faible lumière, précipitations, etc.).

La filiale Torc Robotics de Daimler Truck a acquis l’entreprise canadienne Algolux et ses compétences quant à la perception de l’environnement de conduite en conditions dégradées. (© Torc)

Supprimer les limites du cadre réglementaire

La conduite autonome pose la question de la responsabilité. En première approximation, la responsabilité est définie par les articles 121-1 à 122-9 du code pénal, mais la conduite autonome nécessite un cadre spécifique. L’article R412.6 du code de la route stipule que « tout véhicule en mouvement ou tout ensemble de véhicules en mouvement doit avoir un conducteur », ce qui semble interdire la conduite autonome. Elle n’est pas interdite et le conducteur n’est pas responsable du comportement du véhicule en cas de « délégation de conduite ». Créé par l’ordonnance n°2021-443 du 14 avril 2021, l’article L123-2 du code de la route précise que « pendant les périodes où le système de conduite automatisé exerce le contrôle dynamique du véhicule conformément à ses conditions d’utilisation, le constructeur du véhicule ou son mandataire […] est pénalement responsable des délits d’atteinte involontaire à la vie ou à l’intégrité de la personne ». Dans le même code, le nouvel article L123-1 créé par cette ordonnance décharge explicitement le conducteur de sa responsabilité « pour les infractions résultant d’une manœuvre d’un véhicule dont les fonctions de conduite sont déléguées à un système de conduite automatisé ».

Etablir les connexions indispensables

La stratégie nationale en faveur du déploiement de la mobilité routière automatisée et connectée qui entre en 2023 dans sa seconde phase s’étendra jusqu’en 2025. Les avancées attendues augmenteront la sécurité et devraient optimiser l’utilisation des infrastructures. L’un des chantiers comprend le développement de la connectivité pour l’amélioration de la sécurité et l’optimisation des systèmes véhicules-infrastructures (V2I).

Sur le plan juridique, il manque encore un cadre dédié au fret et à la logistique automatisés. Cette dernière pourra comprendre des services de livraison de proximité sur la voie publique ou dans des zones de mixité d’usages. De nombreux travaux concernent la mobilité des personnes, mais certains trouvent des applications pour le transport de fret ou lui sont dédiés (dessertes fret point à point, desserte du dernier kilomètre). Les assistants à la conduite, les manœuvres coopératives (contrôle des feux aux intersections, vision étendue, présence d’usagers vulnérables, etc.) ou l’information sur les disponibilités de l’infrastructure (restrictions, travaux, priorités, bouchons, parkings, recharge), trouvent des applications au profit du fret.

Les progrès techniques et les évolutions réglementaires en faveur de la conduite autonome sont indéniables. Toutefois, le véhicule à délégation complète de conduite ne pourra pleinement fonctionner en environnement complexe que lorsqu’il sera en mesure de communiquer avec l’ensemble des autres véhicules (V2V), avec l’infrastructure (V2I) et avec toutes les autres ressources utiles (V2X). C’est donc l’ensemble de l’environnement routier qui doit accomplir sa transformation numérique afin que la conduite autonome déploie tout son potentiel pour le poids lourd.

Comme ZF et d’autres, Fernride développe des engins autonomes adaptés aux évolutions dans les enceintes logistiques. (© Fernride)



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Loïc Fieux pour Floauto.com