L’ONG Transport & Environment a renouvelé son enquête sur les renouvellements annuels des flottes des grandes entreprises. Son constat : 60 % des entreprises à la tête des plus grands parcs ne respecteraient pas la loi. Plus précisément, le quota de 10 % de renouvellement de leur flotte en véhicules à faibles émissions (VFE) en 2023 fixé par la LOM et par la loi Climat et Résilience. Pour rappel, 66 % des entreprises étudiées n’atteignaient déjà pas ce quota de 10 % de VFE dans le cadre de leurs renouvellements en VFE en 2022.

À la manière de sa précédente étude, T&E s’est appuyé sur les données officielles d’immatriculations des véhicules du ministère de l’Intérieur (base SIV) et sur la base Sirene de l’Insee pour obtenir ces résultats. Notons que contrairement à l’année dernière, cette étude n’inclut pas les flottes de l’État et de ses établissements publics, des collectivités territoriales, etc. « Ces acteurs ne sont pas concernés pas les mêmes quotas que les entreprises », nous a répondu T&E. Pour résumer, l’analyse de l’ONG a porté sur un parc d’environ 45 millions de véhicules dont 2 millions de véhicules neufs immatriculés en 2023 (à 57 % par des professionnels).

Quelles obligations de verdissement pour les flottes entreprises ?

Pour rappel, conformément à la réglementation, les entreprises qui opèrent plus de 100 véhicules légers doivent intégrer un quota minimal de VFE dans l’ensemble de leurs commandes automobiles annuelles. Soit à hauteur de 10 % en 2023, 20 % de 2024 à 2026 (chaque année), 40 % en 2027-2029, et 70 % à partir de 2030.

Une disposition « pertinente et juste puisqu’elle ne vise qu’un petit nombre d’entreprises », selon T&E. « En 2023, seuls 3 447 groupes étaient concernés par la loi. Soit 0,1 % des 3,9 millions d’entreprises et 3 % des groupes de sociétés recensés par l’Insee. L’influence de ce petit groupe sur l’évolution du marché automobile reste pourtant considérable. Il a été à l’origine de 62 % des immatriculations de véhicules neufs l’année dernière. Ces obligations de verdissement s’appliquent également aux véhicules achetés par les sociétés de leasing qui louent plus de 100 véhicules. En 2023, les 138 sociétés de leasing de plus de 100 véhicules ont immatriculé 1,1 million de véhicules neufs, soit 54 % du total des véhicules légers neufs immatriculés dans l’année », a chiffré Léo Larivière, responsable plaidoyer transition automobile chez Transport & Environment France.

Le rapport de l’ONG a pointé que « l’obligation de reporting [des chiffres des flottes], auprès du ministère de la Transition Écologique, reste largement ignorée tandis que la loi ne prévoit aucun dispositif de contrôle et de sanction. »

Moins de 10 % de renouvellement en véhicules à faibles émissions en 2023

D’après les résultats de l’enquête, plusieurs grands groupes d’entreprise ne respectent pas les quotas de verdissement de leur flotte. Parmi ces entreprises, la SNCF aurait immatriculé 7 932 nouveaux VP et VUL en 2023, dont 4 % d’électriques. Carrefour a de son côté immatriculé 3 593 nouveaux véhicules en 2023, dont 1 % en électrique et 3 % en hybride rechargeable. Autre groupe cité : Apave Certification avec 1 923 nouveaux véhicules, dont 1 % de véhicules renouvelés en hybride rechargeable. Ou encore, le groupe Iliad, maison-mère de Free, avec 397 véhicules neufs immatriculés en 2023, dont 1 % de véhicules électriques. Et le groupe industriel Air Liquide avec 237 véhicules, dont 1 % de véhicules électriques et 6 % hybrides rechargeables.

Autre point déjà évoqué dans l’enquête de 2022 : « le quota légal de 10 % inclut les véhicules hybrides rechargeables. » Des véhicules considérés par l’ONG comme de « faux véhicules “verts”, polluants et coûteux ». Un constat qui va allant de pair avec celui des gestionnaires de flotte intervenus aux Rencontres Flotauto. « Cette faille permet à certains grands groupes, comme Altice ou Bolloré, de respecter la loi en immatriculant respectivement 2 et 3 % de véhicules “100 % électriques” », a relevé T&E.

Ces flottes qui s’électrifient toujours plus

À l’inverse, le rapport de T&E a cité plusieurs entreprises engagées dans le verdissement de leur flotte, comme La Poste. Ce groupe a immatriculé 11 145 nouveaux véhicules en 2023 dont 46 % de modèles électriques et 1 % d’hybrides rechargeables. Et La Poste a atteint 50 % d’électrification de ses nouvelles commandes en comptant les 890 trois roues électriques). A ses côtés, EDF a immatriculé 7 167 nouveaux véhicules en 2023, dont 40 % électriques et 17 % hybrides rechargeables. Sans oublier le spécialiste des logiciels SAP avec 231 nouveaux véhicules en 2023, dont 51 % électriques et 50 % hybrides rechargeables. Ou la société concessionnaire d’autoroutes SANEF avec 155 véhicules, dont 63 % électriques.

« Le groupe Spie a beaucoup progressé ces deux dernières années. Ce spécialiste des services multi-techniques dans l’énergie et les communications a immatriculé 2 588 nouveaux véhicules en 2023, dont 60 % électriques et 1 % hybrides rechargeables. Autre exemple, les données d’immatriculations des véhicules en France ont montré que l’électrification des parcs automobiles ont rapidement progressé en Corse, notamment grâce à l’acteur Filpar, franchisé de Hertz. Avec 5 062 véhicules neufs immatriculés en 2023, dont 59 % électriques et 13 % hybrides rechargeables. Ce loueur de courte durée en Corse propose des véhicules électriques au même prix que les véhicules thermiques, ce qui n’est pas le cas de la plupart des loueurs », a illustré Léo Larivière.

L’électrification des flottes dépendante des dirigeants d’entreprise

« Les témoignages de ces entreprises démontrent que l’électrification d’une flotte peut être également fiscalement intéressante. Alors pourquoi la plupart des grandes entreprises ne s’électrifient-elles pas ? Généralement par méconnaissance du véhicule électrique, alors que de nombreuses fausses informations circulent sur ce sujet. De plus, les entreprises doivent généralement consolider l’ensemble de leurs coûts pour se rendre compte que les véhicules électriques sont plus avantageux à l’usage pour leurs finances, par rapport aux thermiques. Enfin, depuis notre dernière étude, nous avons rencontré de nombreux responsables de flotte, RSE, etc. qui ont souvent envie de contribuer au changement environnemental de leur entreprise. Mais les points bloquants se situent souvent au niveau de la direction. Toutes les entreprises engagées dans l’électrification de leur flotte ont été propulsées par leur direction », a expliqué Léo Larivière.

Les entreprises françaises à la traîne par rapport à la moyenne européenne

De plus, les entreprises françaises seraient en retard par rapport aux autres entreprises en Europe, selon les données officielles d’immatriculations de voitures neuves (de janvier à juin 2023), traitées par DataForce. La part de marché des voitures électriques au sein des entreprises représenterait 11 % en France, contre 12 % pour la moyenne de l’UE. Comparativement, la part de marché des voitures électriques pour les ménages français atteindrait 20 % en France, soit au-dessus de la moyenne européenne de 14 %.

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L’électrification du parc automobile français surtout portée par les ménages

« Depuis deux ans, nous nous rendons compte que la majorité des grandes entreprises à la tête des plus grands parcs automobiles de France ignorent et ne respectent pas la loi. L’effort de transition n’est pas équitablement partagé puisque les entreprises électrifient trois fois moins que les ménages. En effet, sur les 16 % de véhicules légers électriques neufs en France en 2023, 22 % de ces nouvelles immatriculations concernent les ménages et seulement 8 % les grandes entreprises avec des parcs de plus de 100 véhicules. Or, la plupart de ses entreprises sont membres du CAC 40. Nous pourrions résumer ainsi : plus les entreprises ont les moyens, moins elles font d’effort », a conclu Léo Larivière.



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Julie Vénier pour Floauto.com